Guido Piccoli et Giuseppe Palumbo, « Escobar, El Patron », Dargaud, 2016

 

Comme j’ai la chance d’avoir de bons pères et mères Noël dans mon entourage, j’ai trouvé sous le sapin une nouvelle bande dessinée que je ne connaissais pas jusqu’alors, à savoir Escobar, el patron. L’occasion pour moi de découvrir des dessinateurs et un pan de l’histoire plutôt récente de l’Amérique latine qui m’était alors peu connu.

Ce que l’éditeur en dit: 

Pour éviter une extradition vers les Etats-Unis en 1991, Pablo Escobar, encore très puissant, se livre à la justice colombienne et s’installe à la Cathédrale, prison dorée et dernier QG du plus grand narco-trafiquant et criminel de tous les temps. La fin du règne est annoncée, la Colombie et les USA organisent sa chute. Comment y parviendront-ils?

Ce que Lui en dit: 

Avant toute chose, je dois confesser mon ignorance totale sur la personne de Pablo Escobar. Je n’avais pas vu la série, les films ou lu de livres à son sujet. Je résumais le sujet à un trafiquant de drogue ultra-puissant qui achetait le silence de la population avec des liasses de billet.

Les auteurs n’ont pas souhaité faire une biographie d’Escobar. Leur focale s’est centrée sur une moment très particulier qu’il convient de préciser. En 1991, Pablo Escobar accepte sous certaines conditions de se rendre à la justice de son pays. Dans les clauses négociées, on note deux particularités: l’impossibilité d’être extradé vers les Etats-Unis (il y avait une section spéciale dans l’ambassade américaine de Colombie uniquement réservée à ce point) et la mise en place de « conditions spéciales » de détention. Et qui dit Pablo Escobar dit des conditions vraiment très spéciales de détention. N’y voyez pas des uniformes orange fluo avec des fers aux pieds et aux mains, n’imaginez pas des travaux d’intérêts généraux sous le soleil brûlant, ne craignez même pas d’humer les plats insipides de la cantine. Bien loin d’Alcatraz, de Guantanamo ou d’Oz, la prison de Pablo Escobar n’est en réalité qu’un QG depuis lequel le détenu a toute latitude pour continuer à gérer sereinement ses affaires et mener une vie hors du commun. Fêtes, orgies, mobilier luxueux, tournois de football (avec les joueurs de l’équipe nationale tout de même) et même assassinat d’adversaires y ont lieu. Et quand M. Escobar souhaite aller voir une finale de football, aucun problème… Il lui suffit de prendre sa voiture et de se faire une virée en ville en n’oubliant pas de saluer la foule. En bref, le chef, c’est lui!

Cette bande dessinée est très bien réalisée. Les dessins sont très plaisants et le scénario bien construit. C’est la fuite en avant d’un homme qui est racontée par ses excès et ses débauches. Cet homme qui est de plus en plus seul, au fur et à mesure que les alliances se font, se défont et que les règlements de compte s’opèrent. Le rôle des pouvoirs politiques nationaux et extérieurs (notamment celui des Etats-Unis) y est bien présenté. En bref, on passe un bon moment en apprenant plein de choses.

J. Courtney Sullivan, Les Débutantes, Le Livre de Poche

Ça faisait un moment que j’avais repéré ce livre : des histoires de femmes, d’amitiés, et de féminisme, j’étais sûre que ça allait me plaire ! À l’occasion d’une petite virée chez Gibert Joseph, j’ai franchi le cap et je suis repartie avec un exemplaire, prise d’une grande impatience de découvrir ces quatre filles…

 

Ce que l’éditeur en dit : 

« Bree, Celia, April et Sally avaient quitté leurs chambres de bonne et emménagé à l’étage principal. Elles laissaient leurs portes ouvertes pendant la journée et criaient simplement pour se parler. Elles se vautraient sur les divans du salon après le repas du soir, se racontant des ragots et se lisant à voix haute des passages du New Yorker et de Vogue. »

Elles se sont connues et aimées à l’université de Smith, haut lieu de la culture féministe. Le temps, le mariage, la vie d’adulte les ont séparées, jusqu’à la disparition de l’une d’entre elles.
Face aux déceptions de l’existence, rien n’est plus précieux que les souvenirs et les amies des années de fac. Bree, Celia, April et Sally vont s’en rendre compte.

Si Les Débutantes est d’abord un hymne à l’amitié, c’est également une réflexion passionnante sur l’indépendance des femmes dans notre société. Une réussite. – Version Femina.

 

Ce qu’Elle en dit :

J’ai beaucoup aimé cette lecture, autant dans le fond que dans la forme si je puis dire. Les chapitres alternent la voix – et donc la vie – des quatre filles, avec pour chacune un ton et un rythme différent, ce qui empêche la lassitude que l’on peut parfois ressentir en suivant pendant 500 pages le même personnage (surtout s’il ou si elle nous sort par les yeux). Là vous êtes sûr de vous attacher au moins à l’une des héroïnes et de ne pas voir les pages passer !

Mais surtout ce livre m’a profondément touché car il aborde une étape de la vie que je suis précisément en train de vivre, c’est à dire ses rêves de jeunesse et les amitiés qui vont avec à l’épreuve de l’évolution de chacun et du poids insoupçonné que la « vraie vie » fait peser sur nos choix à la sortie de la scolarité.

Malgré une configuration très « à l’Américaine » (avec un campus comme on n’en connaît pas – ou peu – en France), on peut facilement se projeter dans la tête et la vie de ces quatre jeunes filles si attachantes. Le hasard les fait se rencontrer à une période de leur vie où elles commencent à s’émanciper du modèle parental et à se forger leur propre personnalité. Les liens amicaux qui se forgent avec les autres à cette période de notre vie sont, je trouve, particulièrement à part et souvent empreints d’une force qu’on a parfois du mal à retrouver. Comme Bree, Celia, April et Sally , c’est une période où on n’a pas ou peu d’obligations et de responsabilités. On a surtout à l’idée que tout est construire, qu’on peut prendre le chemin que l’on veut, qu’on peut devenir la personne que l’on souhaite devenir. Mais que se passe-t-il – une fois hors des murs sécurisants des écoles et face à la réalité de la vie – quand on doit changer ses plans, et même changer tout court?

Ce livre aborde ce point avec beaucoup de justesse : ces quatre filles se trouvent, se découvrent, à une période où elles sont en « construction », puis elles grandissent, changent, prennent des voies qui les éloignent géographiquement mais aussi dans l’essence même de leur personnalité. Parfois par choix, parfois parce que la vie ne leur laisse pas d’autres possibilités. Mais leurs amies d’école restent le reflet de celles qu’elles étaient à l’âge où elles avaient encore des rêves, ou des certitudes quant à ce qu’elles voulaient accomplir dans leur vie. Elles deviennent les unes pour les autres les instantanés des filles qu’elles étaient mais qu’elles ne sont plus, des instantanés qu’elles veulent préserver précieusement mais qui les confrontent parfois douloureusement à la différence entre ce qu’elles voulaient devenir et accomplir et leur « vraie vie » actuelle.

Une très belle lecture sur l’amitié à l’épreuve du temps, sur les rêves de jeunesse à l’épreuve de la vie, et sur la place des femmes à l’épreuve de la société américaine du XXe siècle.

 

Extraits choisis :

Et peut-être que c’était un peu idiot de croire qu’elle était toujours une priorité pour Sally, comme cela avait été le cas à Smith, quand il n’y avait presque rien qui pouvait détourner leur attention. À l’époque, elles disposaient de quantités de temps suffisantes pour pouvoir stocker dans leur mémoire les habitudes quotidiennes, les chansons préférées des unes et des autres. C’était un peu comme être amoureuse, mais avec en moins le poids d’avoir à choisir un seul cœur auquel se rattacher et la crainte de le perdre. (…) Peut-être que c’était impossible de reproduire ce genre de proximité dans la vraie vie. (p.91)

Depuis qu’elles étaient diplômées, l’indifférence dont les filles faisaient preuve à l’égard de tout ce qui ne touchait pas leurs vies sentimentales la dégoûtait. (…) Tout autour de la planète, des femmes étaient tourmentées, pourtant, si vous preniez la notion de sexisme au sérieux, vous passiez pour une raseuse, une idiote, voire une casse-couilles. Comment est-ce qu’on pouvait rester là à se la fermer? Pourquoi est-ce que tant de femmes ne faisaient rien? (p.154)

Ici, cela n’avait plus d’importance qu’elle soit sortie parmi le groupe des 3% en tête de sa promo en école de droit, ni qu’elle ait les moyens de se payer un appartement dans le beau San Francisco avec chambre d’amis, pas plus qu’elle ait très probablement foutu en l’air sa carrière en l’espace des trois dernières semaines. Ici, on l’adorerait toujours pour avoir construit un village en carton pour ses figurines She-Ra, pour s’être souvent levée de bonne heure afin de préparer un bol de céréales à son père avant le travail, et pour avoir convaincu ses frères de se laisser mettre du vernis à ongles sur les doigts de pied. Quand elle revint vivre chez ses parents, elle redevint instantanément cette version rajeunie et plus nature d’elle-même. (p.419-420)

JK Rowling, J. Tiffany & J. Thorne, Harry Potter et l’Enfant Maudit (Parties Un et Deux), Gallimard

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AVIS CERTIFIÉ NO-SPOILER

Dire que j’aime Harry Potter serait un doux pléonasme qui ferait sourire tous ceux qui me connaissent bien.  Même si le mot ne me plaît pas trop, je pense pouvoir dire sans trop m’avancer que je suis une vraie fan de l’univers que JK Rowling a construit tout au long de cette aventure qui, comme beaucoup, m’a accompagné pendant toute mon adolescence et aura toujours une place à part dans ma bibliothèque (puisque je collectionne le premier tome dans toutes les langues) et dans mon cœur.

Quand j’ai entendu parler de cette pièce de théâtre pour la première fois et de l’édition qui en découlerait, je n’ai pourtant pas sauté au plafond, ni de joie en me disant que l’aventure continuait, ni en criant au scandale devant cet ersatz de suite « même pas écrite par Rowling ». J’ai pris du recul sur tout ce qu’il s’en disait, attendant de me faire ma propre opinion. Pour moi, la saga Harry Potter est terminée, c’est un cercle clos qui ne nécessite pas de suite, mais des bonus comme ça, pourquoi pas? Pourquoi cracher dans la soupe comme on dit chez moi?

C’est donc sans attente particulière, en étant presque déçue de ne pas être plus fébrile, que je me suis mise à la lecture de cette fameuse pièce de théâtre, et voilà ici ce que j’en ai pensé.

 

Ce qu’en dit l’éditeur :

Être Harry Potter n’a jamais été facile et ne l’est pas davantage depuis qu’il travaille au cœur des secrets du ministère de la Magie. Marié et père de trois enfants, Harry se débat avec un passé qui refuse de le laisser en paix, tandis que son fils Albus affronte le poids d’un héritage familial dont il n’a jamais voulu. Quand passé et présent s’entremêlent dangereusement, père et fils se retrouvent face à une dure vérité : les ténèbres surviennent parfois des endroits les plus inattendus.

 

Ce que j’en dit :

Tout d’abord je commencerai mon avis en disant que pour moi, ce n’est absolument pas « La huitième histoire ». Non mais comment voulez vous que ça soit la 8e histoire? L’histoire, comme je le disais, elle est terminée, et en beauté selon moi. Et les « 7 histoires » étaient des romans, écrits par JK Rowling. Seule. 400, 600, 700 pages d’immersion dans le monde magique de Poudlard. Donc comment ne serait-ce qu’imaginer que le texte d’une pièce de théâtre de 341 pages puisse faire partie de « l’Histoire » ? Les Fans d’Harry Potter qui s’attendent à ça vont forcément être déçus en s’imaginant qu’il s’agit là d’une « suite ».

Alors, une suite : non.
Un chouette bonus d’un univers qu’on aime et qu’on adore retrouver, un hommage même à la Saga : ça oui !

Pour moi Harry Potter et l’enfant maudit c’est exactement cela, un super bonus qu’on aurait tord de ne pas savourer pour ce qu’il est (un peu comme les films des Animaux Fantastiques qui s’annoncent). Si on aborde sa lecture sans y chercher « une suite » ou « la plume de JK Rowling » (qui, je le rappelle, a « seulement » eu l’idée de l’histoire mais n’a pas écrit la pièce) comment ne pas apprécier sa lecture?!
Comment ne pas sourire en retrouvant Poudlard? Harry? Hermione? Ron? La poudre de cheminette et la Forêt interdite? Impossible vous en conviendrez ! 🙂

Alors oui, l’histoire est parfois un peu tirée par les cheveux, mais franchement il serait vraiment dommage de bouder son plaisir de retrouver un petit peu de la magie qui nous a tant fait rêver. Pour moi c’était donc une lecture très agréable, avec un poil de nostalgie mais surtout beaucoup de sourires et une furieuse envie de voir la pièce « en vraie » parce que… mais enfin comment diable font-ils pour faire tout ça sur une scène?!

 

Extrait choisi :

LE CHOIXPEAU MAGIQUE
Au cours de tant de siècles, j’ai scruté les cerveaux,
J’ai lu dans les pensées des élèves nouveaux,

Année après année, j’ai joué ce rôle unique
Qui a fait mon renom, moi, le Choixpeau magique.

Au plus haut, au plus bas, j’ai choisi sans relâche,
Contre vents et marées, j’ai accompli ma tâche,
Posez-moi sur la tête, la voix de la raison
Révélera alors quelle est votre maison. (p.28)

 

Une petite vidéo avec des photos de la pièce de théâtre en Angleterre (attention, petits spoilers)

CINÉ / Double avis sur Bridget Jones Baby

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On ne va plus très souvent au cinéma, au point que les cartes de places se périment au fond de notre sac. Mais pour cet hiver, on est bien décidé à se faire plus de toiles et quoi de mieux pour commencer cette bonne résolution que de retrouver un dimanche soir, Bridget Jones dans ses nouvelles aventures… Voici donc nos deux avis, tout chaud tout beau, à la sortie du film Bridget Jones Baby.

LUI :

Allez… Encore une comédie romantique pour faire plaisir à madame…
Bon, j’arrête la mauvaise foi masculine et je trahis le pacte secret entre tous les producteurs de testostérone dont je fais partie: les garçons aussi ça aime les comédies romantiques. Tant est si bien que lorsque j’ai vu que ma vieille copine Bridget revenait sur les écrans, c’est moi qui ait proposé à Elle d’aller la voir. Et je n’ai pas été déçu. Même si certains gags sont un peu inutiles, même si certains produits sont grossièrement placés (dédicace à Apple et Ed Sheeran…), l’attachement que l’on a naturellement pour les personnages anciens (Bridget of course, Marc Fitzwilliam (j’aime bien ce prénom…) Darcy et sa classe so british) mais aussi les nouveaux (Jack Quant ou encore la présentatrice du JT) fait que l’on passe obligatoirement un bon moment. On pourrait penser retrouver le format du journal avec la grossesse – en mode « journal d’une femme enceinte » – mais l’intrigue se joue vraiment autour des relations amoureuses de Bridget et de l’identité du père. Des sourires, du rire parfois, de l’émotion, des doutes, un bon moment de détente pour un dimanche soir réussi.

NOTE : 4/5

 

ELLE :

Quel plaisir de retrouver cette sacrée Bridget, ses gaffes et ses peines de cœur ! Égale à elle même, avec juste quelques années de plus (quel coup de vieux quand il repasse des images des premiers films, et pas seulement pour les acteurs…). Plaisir également à retrouver la galerie de personnages hauts en couleurs des débuts – une mère toujours aussi névrosée – bien que la bande des copains ne soient plus montrés qu’épisodiquement et laisse Bridget assez seule face à ses déboires. Heureusement des petits nouveaux viennent prendre la relève – notamment une présentatrice télé complètement et délicieusement fêlée – et apporter un peu d’air frais. Je ne rentrerais pas dans l’histoire pour ne pas spoiler mais disons que c’est du Bridget Jones comme on connait, avec des personnages attachants, des grosses barres de rire et quelques gags un peu trop tirés par les cheveux. Mais on pardonne, parce qu’on lui passerait n’importe quoi tant on est content de passer deux heures avec elle. Mention spéciale à Patrick Dempsey qui en fait juste assez pour être une caricature amusante du lover-écolo, mais pas trop non plus pour rester un personnage crédible et touchant. J’aurais juste aimé un peu plus d’indépendance féminine et d’audace dans la conclusion mais on a passé un très bon dimanche soir, requinqués de bonne humeur et d’amour pour affronter la semaine qui s’annonce !

NOTE : 4/5

La cuisinière d’Himmler de Franz-Olivier Giesbert

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Ce qu’en dit l’éditeur :

Ceci est l’épopée drolatique d’une cuisinière qui n’a jamais eu peur de rien. Personnage loufoque et truculent, Rose a survécu aux abjections de cet affreux XXe siècle qu’elle a traversé sans rien perdre de sa sensualité ni de sa joie de vivre. Entre deux amours, elle a tout subi : le génocide arménien, les horreurs du nazisme, les délires du maoïsme. Mais, chaque fois, elle a ressuscité pour repartir de l’avant. Grinçant et picaresque, ce livre raconte les aventures extraordinaires d’une centenaire scandaleuse qui a un credo : « Si l’Enfer, c’est l’Histoire, le Paradis, c’est la vie ».

 

 

Ce que lui en dit

Une centenaire qui continue une activité loufoque et qui a côtoyé tous les grands chefs politiques du XXe siècle sans jamais être inquiétée, voilà qui est original…si cela n’avait pas déjà été fait dans Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire du suédois Jonas Jonasson !

En effet, nombreux sont les parallèles que vous pouvez établir entre les deux livres. Dans les deux cas, la chronologie alterne entre une affaire dans le présent et une épopée dans le passé. Dans les deux cas, les héros ont une destinée extraordinaire les amenant à rencontrer les personnes qui ont le plus marqués le siècle dernier (pas toujours les mêmes dans les deux livres, heureusement quand même !) et dans les deux cas, l’histoire qui se déroule au temps présent est assez caricaturale et ne fonctionne pas vraiment. [À ce sujet, la principale erreur de l’adaptation du film du suédois au cinéma a été de se concentrer sur l’histoire actuelle qui présente peu d’intérêt à côté du reste du livre. Mais bon, ça, c’est une autre histoire !].

Ne soyons pas de mauvaise foi, il y a bien entendu des différences entre les deux livres. Tout d’abord, la place de la famille dans le second qui est inexistante dans le premier. Rose agit en mère de famille et c’est son instinct protecteur et maternel qui la pousse à agir. De plus, Rose est consciente de ses actes. Elle est une tueuse aguerrie et elle agit toujours avec discernement. C’est tout l’inverse d’Allan, héros suédois qui se retrouve dans des situations invraisemblables sans jamais ne rien y comprendre. Et c’est là que repose la force du second sur le premier. En effet, le facteur comique est bien plus développé dans le livre de l’auteur suédois (ce qui explique aussi son plus grand succès) et ne se limite pas à l’histoire actuelle qui finit parfois par agacer tant elle semble avoir été écrite dans le but d’offrir une parenthèse de rire au lecteur.

En bref, ce livre n’est certainement pas le livre de l’année mais je dois dire qu’étant adepte de ces épopées modernes à la Forrest Gump, j’ai pris du plaisir à le lire. Même s’il est moins drôle et moins bien construit que son cousin suédois, il permet de passer un moment agréable et instructif car l’auteur semble s’être bien documenté afin de glisser des anecdotes. Celles-ci, bien qu’alourdissant parfois le style général (on se dit parfois « ah, il voulait nous la caser son anecdote ») permettent d’avoir une approche ludique du passé. Alors, si l’histoire vous plaît et que vous aimez les grandes épopées contemporaines, tentez votre chance !

Antoine Leiris, Vous n’aurez pas ma haine, Fayard

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J’ai entendu dire qu’à la rentrée littéraire de cette année certains éditeurs allaient publier des livres en lien avec les attentats du 13 novembre. Pourquoi pas? me direz vous, il ne faut pas museler le discours et certains écrits sont nécessaires pour aller de l’avant. Je suis d’accord, mais là où je suis perplexe c’est quand j’entends que ces livres sont des romans, des fictions.

Alors on en est là.
Le fameux adage « la réalité est parfois pire que la fiction » donne l’impression qu’on peut transformer en fiction cette réalité… On pourrait pourtant penser que l’inspiration peut se trouver autre part et qu’il faudrait laisser plus de temps au temps avant de s’emparer comme ça d’un événement aussi violent. Parce que ce jour là se sont des êtres réels qui ont été touchés, pas des héros d’un roman. Alors oui, je pense sincèrement que c’est important de parler et important de prendre du recul mais je trouve personnellement que c’est trop tôt pour écrire des fictions sur un drame qui n’a même pas 10 mois.

En week-end chez mes parents, j’en discutais à ma mère et elle m’a dit qu’elle avait entendu parler à la radio d’un récit d’un homme dont la femme est décédée au Bataclan. J’étais un peu mitigée sur le principe mais l’approche était complètement différente : il s’agit bien d’un récit et non d’un roman. Et parce que j’ai une maman super, le lendemain j’avais ce livre entre les mains.

Ce qu’en dit l’éditeur :

Antoine Leiris a perdu sa femme, Hélène Muyal-Leiris, le 13 novembre 2015, assassiné au Bataclan. Accablé par la perte, il n’a qu’une arme : sa plume. À l’image de la lueur d’espoir et de douceur que fut sa lettre « Vous n’aurez pas ma haine », publiée au lendemain des attentats, il nous raconte ici comment, malgré tout, la vie doit continuer.

C’est ce quotidien, meurtri mais tendre, entre un père et son fils, qu’il nous offre. Un témoignage bouleversant.

Ce qu’Elle en dit :

Comme je le disais, au moment de commencer ma lecture j’avais quelques appréhensions. La fameuse lettre me disait quelque chose, je l’avais vu tourner sur les réseaux sociaux après le 13 novembre mais je ne l’avais pas lue mais comme elle est reproduite en intégralité dans le livre, c’est à présent chose faite. Je me suis dit que le mieux pour vous parler de ce livre serait de reproduire ici le début de cette fameuse lettre, qui est aussi à l’origine du projet d’écriture d’Antoine Leiris :

Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a faits à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son cœur.

Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’ai peur, que je regarde mes concitoyens avec un œil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.

Voila :Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Il le dit encore un peu plus loin dans son livre : Les armes, les balles, la violence, tout ça n’est que le décor de la scène qui se joue réellement, l’absence.
Finalement, on se rend vite compte que ce livre n’est pas un livre sur les attentats du 13 novembre (voyeuristes, passez votre chemin). C’est un livre sur le deuil, la tristesse qui survient lors de la mort d’un être cher avec toute la pureté des sentiments qui s’y rattache. Oui, évidemment le contexte des attentats donne une particularité indéniable car le malheur personnel d’Antoine Leiris, surtout avec la diffusion qu’a connue sa lettre, est public et connu de tous, mais malgré cela il parvient à préserver son intimité.

Mais il écrit justement un livre sur son intimité, me direz-vous.
Oui, je suis d’accord mais c’est là toute la réussite de l’auteur : il parvient à se raconter, à raconter sa peine, sa douleur, ses doutes, mais toujours avec beaucoup de pudeur. À aucun moment le lecteur ne fait finalement partie de ce roman comme les gens qui tentent d’aider Antoine ne feront jamais vraiment partie de son deuil, et comment en pourrait-il être autrement? Nous ne pouvons qu’être, comme le 13 novembre mais surtout comme toujours face à la mort et au deuil, de simples observateurs.

C’est un livre extrêmement bien écrit, touchant, qui ne plaira peut être pas à tout le monde – j’entends tout à fait que ce livre ne puisse pas intéresser et peut être même provoquer un rejet de part son thème et la proximité avec le 13 novembre – mais personnellement je vous le conseille : comme en réponse aux images « chocs » et au débat sur l’anonymité des terroristes, il nous parle du plus important : des gens, les vrais, ceux qui sont partis, mais aussi et surtout ceux qui sont restés.
Un livre fort, poignant, mais nécessaire.

Extraits choisis :

« Attentat au Bataclan ».
Coupure son. Je n’entends plus dans ma poitrine que mon cœur qui tente de s’échapper. Ces deux mots résonnent dans ma tête comme un écho qui semble ne jamais vouloir se terminer. Une seconde comme une année. Une année de silence, plantée là, dans mon canapé. Ce doit être une erreur. Je vérifie que c’est là qu’elle est allée, je peux me tromper, avoir oublié. Le concert est bien au Bataclan. Hélène est au Bataclan. (p.15)

« … Faut pas que toutes ces morts soient inutiles… »
Parce qu’il y a des morts utiles?
Ça aurait pu être un chauffard qui oublie de freiner, une tumeur un peu plus maligne que les autres ou une bombe nucléaire, la seule chose qui compte, c’est qu’elle ne soit plus là. Les armes, les balles, la violence, tout ça n’est que le décor de la scène qui se joue réellement, l’absence. (p.38-39)

Et tout à coup, j’ai peur. Peur de ne pas être à la hauteur de ce que l’on attend de moi. Aurais-je encore le droit de ne pas être courageux? Le droit d’être en colère. Le droit d’être débordé. Le droit d’être fatigué. Le droit de boire trop et de fumer encore. Le droit de voir une autre femme, de ne plus voir d’autres femmes. Le droit de ne plus aimer, jamais. De ne pas refaire ma vie et de ne pas en vouloir une autre. Le droit de ne pas avoir envie de jouer, d’aller au parc, de raconter une histoire. Le droit de faire des erreurs. Le droit de prendre des mauvaises décisions. Le droit de ne pas avoir le temps. Le droit de ne pas être présent. Le droit de ne pas être drôle. Le droit d’être cynique. Le droit d’avoir des mauvais jours. Le droit de me réveiller en retard. Le droit d’être en retard à la sortie de la crèche. Le droit de rater les petits plats « maison » que je tenterai de faire. Le droit de ne pas être de bonne humeur. Le droit de ne pas tout dire. Le droit de ne plus en parler. Le droit d’être banal. Le droit d’avoir peur. Le droit de ne pas savoir. Le droit de ne pas vouloir. Le droit de n’être pas capable. (p.106-107)

La Vague, Todd Strasser, Pocket

lavague©Avisculturel

Je n’avais pas vraiment entendu parler de cette histoire de « Vague », j’avais vu passer une bande annonce de film il y a quelques années mais ça ne m’avait pas vraiment marqué. C’est en regardant une vidéo d’une Booktubeuse que j’aime bien qui travaille pour la plateforme « Glose », présentant des livres adaptés en films dans laquelle il était mentionné que j’ai eu envie d’en savoir un peu plus sur cette histoire, d’autant plus que l’une de mes sœurs est partie s’installée à quelques kilomètres de la ville où se sont déroulés les faits.

Je me suis d’abord renseigné sur internet sur ce fait divers réel qui s’est déroulé à Palo Alto en 1969, et ce que j’ai lu a achevé de me convaincre de lire ce livre. Une petite virée chez Gibert Jeune et je l’avais en main.

Ce qu’en dit l’éditeur :

Pour faire comprendre les mécanismes du nazisme à ses élèves, Ben Ross, professeur d’Histoire, crée un mouvement expérimental au slogan fort : « La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par l’Action. » En l’espace de quelques jours, l’atmosphère du paisible lycée californien se transforme en microcosme totalitaire: avec une docilité effrayante, les élèves abandonnent leur libre arbitre pour répondre aux ordres de leur nouveau leader.

Quel choc pourra être assez violent pour réveiller leurs consciences et mettre fin à la démonstration.

Ce que j’en dit moi :

On s’est tous dit un jour que si nous avions vécu la guerre, nous aurions agi différemment. Il est aisé de s’imaginer en héros quand on est bien au chaud dans son canapé. Parfois, on est pris de plus de modestie et on se dit qu’on aurait peut être pas osé se rebeller, mais de la à aller jusqu’à dire qu’on aurait pris une part active dans l’application des idéaux nazis, je pense – j’espère ! – que personne ne se dit se genre de chose. Et pourtant, on ne sait et on ne saura jamais…

On sait très peu de choses sur ce qui s’est réellement passé dans ce lycée en 1969. La ville n’a à l’époque mentionné le fait que dans une brève du journal local et c’est beaucoup plus tard qu’on a su vaguement ce qui s’était passé. Là encore, rien de vraiment clair il reste – et restera peut être toujours – des zones d’ombre sur le pourquoi et surtout le comment de cette expérience glaçante. Je voulais lire ce livre pour en savoir plus et, malheureusement, je n’en n’ai pas vraiment appris davantage que ce que j’avais lu sur le net.

Il faut savoir que l’auteur, Todd Strasser, n’a pas consulté le professeur à l’origine de cet événement, ni aucun élèves du lycée pour écrire ce livre. C’est donc son interprétation des faits déjà connus. C’est intéressant car il se plonge dans le cerveau des élèves et surtout du professeur Ben Ross, et nous montre comment des idées aussi folles ont pu trouver une écoute et une légitimité dans la vie de ces personnes pendant cette semaine hors du temps.

On y suit des adolescents mal dans leur peau et ayant terriblement envie de sortir du lot, d’être différents, de changer le monde. On voit également un professeur, à la fois effrayé et captivé par ce qu’il parvient à faire et qui se laisse volontairement déborder par son expérience dans laquelle il endosse un rôle de leader tout puissant. L’évolution des personnages est bien faite et bien vue, on peu aisément s’imaginer que c’est effectivement ce qu’ont ressenti ces adolescents et ce jeune professeur.

Mais la brièveté du livre – dû, je vous l’accorde au fait que l’expérience réelle a duré moins d’une semaine – ne permet pas, à mon sens, d’aller assez loin dans l’analyse de ce qu’ont du ressentir ces élèves. Comme pour la trame Todd Strasser utilise les faits connus, je trouve qu’il aurait vraiment plus apporter beaucoup plus, avoir une valeur ajoutée plus importante en en faisant un roman psychologique plus poussé sur les combats intérieurs des personnages.  Si le début présente bien pourquoi les élèves ont pu être séduits par l’idéologie de puissance de La Vague, une fois le mouvement lancé l’auteur s’en tient surtout aux faits. Le personnage féminin que l’on suit, Laurie, qui est l’une des seules à chercher à contrer La Vague, est assez caricaturale, la bonne élève qui a tout compris et réussi à sauver son petit ami pourtant totalement embrigadé. Le personnage du professeur d’Histoire est, je trouve, le plus complet. On le sent vraiment se rendre compte qu’il dépasse les limites qu’il s’était fixées mais qu’il prend malgré lui un plaisir malsain à être le chef de la Vague. Il se persuade qu’il arrive toujours à garder une vision objective de ce qu’il est en train de créer, tout en se rendant compte que cela lui échappe mais sans pour autant qu’il cherche à redresser la barre : c’est pour lui aussi une véritable expérience qui lui fait se découvrir l’envie de pouvoir qui sommeille en lui comme en tout à chacun. Mais, surtout pour la fin, je pense que Todd Strasser aurait pu faire plus.

Attention, loin de moi l’idée de dire que ce livre est à éviter, bien au contraire ! C’est extrêmement intéressant de découvrir cette histoire vraie, qui paraît juste surréaliste et c’est grâce à Todd Strasser qu’elle est arrivée jusqu’à nous. Le livre étant une adaptation du fait réel et le film une adaptation du livre, mieux vaut se référer au livre pour avoir une idée de ce qui s’est réellement passé.

Bref un livre vraiment intéressant pour qui ne connaît pas l’histoire de cette « Vague », qui fait se poser des questions sur les leçons qu’on tire vraiment de l’Histoire, et sur l’insatiable volonté de puissance de l’espèce humaine.

Extraits choisis :

« Tu sais, je pensais qu’ils détesteraient ça, qu’on leur donne des ordres et qu’on les force à se tenir droit et à répondre du tac au tac. Eh bien, au contraire, on aurait dit qu’ils attendaient cela depuis toujours. Bizarre.
– Tu ne crois pas qu’ils prenaient tes exercices comme un jeu? Comme une compétition pour déterminer qui serait le plus rapide, qui se tiendrait le plus droit?
– Il y avait un peu de ça, c’est sûr. De toute façon, jeu ou pas jeu, ils pouvaient refuser de participer. Rien ne les y obligeait, mais ils le voulaient. (p.50)

« Personne ne trouve ça bizarre?
– Comment ça? fit David en se tournant vers elle.
– Je ne sais pas trop. Mais ça ne te semble pas un peu étrange?
– C’est très différent de tout ce qu’on a connu, c’est tout. voilà pourquoi ça te dérange.
– Ouais, confirma Brad. Maintenant il n’y a plus d’un côté le groupe cool et de l’autre les losers. Je te jure, le truc qui m’agace le plus au lycée, c’est toutes ces cloques. J’en ai marre d’avoir l’impression que ma vie n’est qu’un concours de popularité. C’est ça qui est si chouette avec la Vague. On s’en fout d’être populaire ou pas. On est tous égaux. tous membres de la même communauté.
– Et tu crois que ça plaît à tout le monde? s’enquit Laurie.
– Parce que tu conais quelqu’un à qui ça ne plaît pas? rétorqua David. (p.74)

La situation lui échappait et, quelque part, Ben soupçonnait que c’était sa faute. Cette agression sur un élève de seconde était terrible, incroyable. Comment pouvait-il justifier une expérience qui avait de telles conséquences? Mais il n’y avait pas que ça. Bien malgré lui, la défaite embarrassante de l’équipe de foot face à Clarkstown le perturbait. (…) Au cours de la semaine précédente, il avait fini par croire que, si l’équipe gagnait, sa victoire contribuerait à asseoir le succès de la Vague.
Mais depuis quand souhaitait-il cela? Le succès ou l’échec de la Vague n’était pas le but de l’expérience. Il n’était pas censé s’intéresser à la Vague en soir, mais aux leçons que ses élèves en tireraient. (p.115-116)

Cher pays de notre enfance. Enquête sur les années de plomb de la Ve République

thumb_IMG_5183_1024Comme l’année dernière, Elle s’est rendue au festival de la BD d’Angoulême dans le cadre de son travail et comme l’année dernière, Elle a pensé à Lui  et a pioché dans ses économies pour lui en ramener un souvenir. Une tradition est née qu’il va bien sûr falloir faire perdurer! (le message est -il assez explicite?!).

Dans le cru de cette année, c’est la bande dessinée d’Etienne Davodeau et de Benoît Collombat Cher pays de notre enfance. Enquête sur les années de plomb de la VRépblique qui a retenu mon attention. M’intéressant plutôt fortement à tout ce qui touche à l’histoire et au domaine politique, Elle savait bien qu’elle ne prenait pas trop de risque…

Ce qu’en dit la 4eme de couverture: 

Etienne Davodeau est auteur de bande dessinée. Benoit Collombat est grand reporter à France Inter. L’un est né en 1965, l’autre en 1970. Ils ont grandi sous la Ve République fondée par le Général de Gaulle dans un pays encore prospère, mais déjà soumis à la « crise ». 

L’Italie et l’Allemagne ne sont pas les seules nations à subir la violence politique. Sous les présidences de Pompidou et Giscard d’Estaing, le pays connaît aussi de véritables « années de plomb » à la française. 

Dans ces années-là, on tue un juge trop gênant. On braque des banques pour financer des campagnes électorales. On maquille en suicide l’attentat d’un ministre. On crée de toutes pièces des milices patronales pour briser les grèves. On ne compte plus les exactions du Service d’Action Civique (le SAC), la milice du parti gaulliste, alors tout-puissant. Cette violence politique, tache persistante dans l’ADN de cette Ve République à bout de souffle, est aujourd’hui largement méconnue. 

En sillonnant le pays à la rencontre des témoins directs des évènements de cette époque – députés, journalistes, syndicalistes, magistrats, policiers ou encore anciens truands – , en menant une enquête approfondie, Etienne Davodeau et Benoît Collombat nous révèlent l’envers sidérant du décor de ce qui reste, malgré tout, le cher pays de leur enfance…

Ce que Lui en dit:

Ce qui frappe en premier avec cette bande dessinée, c’est la couverture. Sous le traits d’Etienne Davodeau, on reconnaît le portrait officiel du Général De Gaulle dans la bibliothèque du palais de l’Elysée, à la différence que le costume et le visage de l’ancien président sont tachés de sang. Ce sang rouge vif est d’ailleurs la seule trace de couleur présente dans l’ensemble de ce travail. Le ton est donné et la désacralisation des instances de gouvernance entamée.

Vivant au pays des bisounours et à mille lieux de toutes manoeuvres et stratégies politiciennes, autant dire que cette bande dessinée m’a ramené sur Terre. Les deux auteurs privilégient le mode de l’enquête, ce qui permet au passage de rappeler que certaines affaires traitées dans leur oeuvre n’ont pas encore été jugées. La démarche est pertinente, le dessinateur n’hésite pas à se représenter avec son ami journaliste dans les salons des personnes interrogées. De plus, il arrive que les deux comparses fassent des apartés à destinations des lecteurs un peu trop jeunes comme moi qui ne maîtrisent pas vraiment tout le contexte (autant je connais les principaux hommes politiques, autant les secrétaires d’Etat et autres présidents de collectivités locales j’ai plus de mal). Le dessin est très agréable et réaliste. Les personnages se retrouvent représentés sous des traits simplifiés en nuances de gris et sont aisément reconnaissables. Le seul rictus des lèvres de Charles Pasqua permet ainsi de l’identifier. Des pièces à conviction, des rapports et autres documents d’archives sont reproduits comme des fac-similés au fil de l’histoire, lui donnant plus de véracité. Les preuves s’accumulent.

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L’enquête a pour mérite de mettre au jour des éléments totalement méconnus (du moins par moi), à commencer par l’existence même du SAC (Section d’Action Civique). Une sorte de milice secrète du parti gaulliste avec des ramifications à toutes les échelles comme une mafia. Après un bref topo par les auteurs sur ce qu’était l’organisation, l’enquête aborde l’assassinat du juge Renaud. En 1975, pour la première fois depuis l’occupation, un magistrat français est assassiné en pleine rue. Or, très rapidement, les auteurs établissent un lien avec le SAC. Ce n’est alors que la première des affaires évoquées. Sans tout dévoiler, les auteurs parviennent à montrer des liens entre l’organisation et le braquage de banques, la françafrique, les violences envers les syndicalistes, les intimidations envers les journalistes et même le meurtre de Robert Boulin, ministre du travail en exercice dont la mort aurait été maquillée en suicide par les membres de l’organisation. Autant dire ce n’est pas du joli-joli et que cela entache très nettement le personnel politique prêt à de nombreuses bassesses, voire même des crimes pour obtenir ou conserver le pouvoir. De de Gaulle à Sarkozy, en passant par Chirac, on se rend compte que l’accession aux plus grandes responsabilités se fait aussi par la détention de dossiers compromettants sur ses adversaires. Heureusement, les auteurs interrogent des membres de la caste politique restés droits et qui ont voulu dénoncer les actions du SAC. On peut même dire que la BD rend hommage à ceux qui, par leur action, se sont mis en danger, ont été menacés et ont même perdu la vie. Si cette enquête dévoile des pratiques occultes, elle fait aussi attention à ne pas sombrer dans la simplification abusive du « tous pourris ».

Au final, Cher pays de notre enfance se révèle être une enquête réussie et très instructive sur les heures sombres de la cinquième république. On a parfois du mal à se repérer dans les personnages interrogés, le SAC ayant agi à toutes les échelles et certains responsables politiques étant inconnus pour les plus jeunes. Toutefois, il serait injuste de reprocher aux auteurs d’avoir collecté un trop grand nombre de sources orales convergentes, toutes aussi accablantes envers la classe politique. Quand l’Etat, garant selon la constitution de la liberté de la justice, de la sécurité individuelle et collective manoeuvre dans l’intérêt des plus forts, la confiance aveugle dans le système institutionnel ne peut être maintenue. De quoi faire réfléchir en ce moment où plusieurs lois sont adoptés à l’encontre des lanceurs d’alerte…

Les Studios Harry Potter à Londres : comment s’y rendre ?

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Grande fan d’Harry Potter depuis des années, d’abord les livres puis les films, j’étais évidemment ravie d’apprendre que la Warner Bros allait conserver les entrepôts où s’étaient déroulés les tournages pour en faire un musée regroupant certains des décors et objets les plus mythiques de la saga.

Pour mes 25 ans mes parents m’ont offert deux entrées pour aller visiter ces studios dans la banlieue de Londres avec Lui. J’y suis également retournée avec ma meilleure amie en mars de cette année. J’ai donc effectué pour la deuxième fois le trajet pour m’y rendre et je me suis souvenue que la première fois on avait galéré avec Lui pour bien comprendre comment s’y rendre par nos propres moyens (sans emprunter le train spécial au départ de Londres qui coûte une blinde). Je me suis dit que ça pourrait donc servir à d’autres d’expliquer ici les démarches pour se rendre à ces studios, bien que maintenant le site soit traduit en français et contienne déjà beaucoup d’informations pratiques.

ATTENTION / Je vais également mettre à la fin une ou deux photos des Studios pour vous donner encore plus envie d’y aller, mais si vous voulez garder la surprise intacte ne scrollez pas trop bas ! 🙂

 

I ) Acheter les billets

Avant toutes choses, il vous faut impérativement acheter vos billets en ligne sur ce site : http://origin.wbstudiotour.co.uk/fr/ ou directement sur la plate forme anglaise (vers laquelle le premier site vous re-dirigera mais le premier site donne des informations en français): https://tickets.wbstudiotour.co.uk/WebStore/shop/ViewItems.aspx?CG=HPTSFR3&C=TIXFR3

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Aucun billet n’est vendu sur place aux Studios ! On a vu des touristes étrangers se faire refouler à l’entrée parce qu’ils pensaient pouvoir en acheter là bas alors, même si ça a peut être changé depuis, je serais vous je ne le tenterais surtout pas.

Vous allez sur l’onglet billet et remplissez les informations traditionnelles nécessaires à la vente. Prenez la version avec Audioguide, vraiment : il est vraiment super bien fait et vous manqueriez quelque chose pour peu d’économie si vous ne le prenez pas (il se règle en français).  Après l’achat sur le site vous allez recevoir un courriel qui vous confirme votre/vos billets. Mais attention, ce n’est pas fini : il vous faut ensuite appeler le numéro indiqué dans le mail (en Angleterre) pour confirmer votre date de venue. En effet, pour qu’il n’y ait pas trop de monde et que la visite reste agréable, les visites sont régulées (dans la date et l’horaire).

La réservation par téléphone se fait en anglais ce qui est un peu contraignant mais les hôtes/hôtesses sont habituées à avoir des étrangers au bout du fil et si vous avez révisé pour pouvoir dire en anglais la référence de votre billet (booking reference) et le jour auquel vous souhaiteriez venir ça ne posera pas de problème, ils vous donneront ensuite un horaire d’arrivée et vous recevrez un nouveau mail pour vous confirmer le tout. Ils vous renvoient aussi un mail de confirmation quelques jours avant votre venue.

N’oubliez pas d’imprimer vos billets, il y a un code barre et un numéro qui servent à récupérer votre « vrai » billet une fois arrivé aux Studios.

 

II ) Se rendre aux Studios

Il existe des navettes payantes au départ de Londres pour se rendre aux Studios (55 livres) mais c’est loin d’être le seul moyen et surtout le moins cher ! Je ne l’ai utilisée aucunes des deux fois où je suis allée aux Studios. Alors comment nous avons fait? Et bien nous avons pris le train!

À la gare de Euston Station (accessible par le métro – ligne Northern (en noir sur le plan du métro) ou ligne Victoria (en bleu)) prendre un billet pour se rendre à Watford Junction.

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Attention, pour se rendre à Watford Junction il y a des trains longs qui mettent une heure et des trains courts qui mettent 25 minutes en fonction de s’ils s’arrêtent ou non (c’est comme pour nos TER). Si vous avez peur d’arriver en retard je vous conseille de partir comme si vous alliez avoir un train « long » pour ne pas paniquer une fois dans le train.

Le plus simple est de prendre le billet à un guichet (dans mon souvenir, comptez 12 ou 14 livres) pour demander à l’agent « the faster train to Harry Potter’s Studios ». Autant vous dire que même avec un accent à la française ils sauront vous répondre puisqu’on doit leur poser 20 fois la question par jour. D’une manière générale si vous êtes perdu/très stressé, dîtes juste à un agent « Harry Potter? » et je pense qu’ils sauront vous aiguiller.

Une fois en route dans le train, laissez vous porter jusqu’à Watford Junction, ils annoncent au micro « Warner Bros Studios – Harry Potter » avant l’arrivée donc vous ne risquez pas de vous tromper. Une fois dans la gare de Watford, il suffit de sortir et sur votre gauche se trouve des abris spéciaux pour les bus qui font la navette. Il y en a un tout les 15/20 minutes, vous ne pourrez pas les manquer, ils sont on ne peut plus reconnaissables… 🙂

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Il faut compter 2 livres le trajet mais le billet prévoit l’aller et le retour donc gardez le bien pendant toute votre visite (le trajet dure une 10 aine de minutes à peine).

Une fois arrivé aux Studios ne rentrez pas directement dans le hall (ça va être dur de résister mais vous y êtes presque alors il ne faudra pas craquer maintenant !) mais allez à droite de l’entrée, à l’extérieur. Vous avez des guichets et des bornes pour retirer vos billets. Il faut soit scanner le code barre soit taper le numéro de référence et vous récupérerez deux billets par personne, celui pour l’entrée et celui pour avoir l’audioguide (si vous passez par la borne pensez à bien attendre l’impression des deux billets, à ma seconde visite j’ai trouvé dans la machine un billet pour un audio guide je pense qu’une personne a dû se trouver un peu déçue…)

Une fois vos tickets en main entrez dans le hall des Studios. Vous pouvez récupérer l’audioguide sur la droite, à côté du magasin de souvenir (que je vous conseille de ne visiter qu’à la fin de votre visite pour ne rien vous spoiler).

NB : Si vous venez en voiture je ne peux pas vraiment vous donner d’information autre que l’énorme parking qu’il y a devant les Studios. Donc on peut se garer mais je ne sais pas combien de temps ni combien ça coûte…

 

III ) Détails pratiques

Et si je suis en avance/en retard ?
-> EN AVANCE : La première fois que j’y suis allée avec Lui il y avait des travaux sur la lignes de train et il n’y avait que des trains qui mettaient une heure. Mais comme j’étais stressée de ne pas y arriver à temps on était parti en comptant 3 heures de marge donc on est quand même arrivés en avance par rapport à l’heure indiquée sur notre billet (juste 30 minutes d’avance malgré notre ponctualité parce qu’il a fallu le temps de faire 200 photos à l’extérieur…). On a demandé si on devait attendre et ils nous ont fait passer tout de suite.
-> EN RETARD : La deuxième fois que j’y suis allée on devait y être pour 9 heures. Le réveil a donc été un peu dur comme on était arrivé à Londres tard dans la nuit et on s’est rapidement mises en retard, surtout que si le billet il précise de bien arriver 20 minutes en avance (je pense que c’est pour le temps de prendre le billet, l’audioguide et tout et tout). Avec mon amie nous nous sommes stressées pendant tout le trajet en bus mais au final quand on est arrivées les agents d’accueil nous ont tout de suite rassurés : tant qu’on n’a pas 30minutes/1heure de retard, ils ne refusent pas les gens. L’idée est que l’ambiance reste vraiment chaleureuse et tout le personnel est très sympathique (presque trop exalté pour être honnête d’ailleurs mais ça donne un côté « show » assez amusant du genre « Est-ce que vous aimez Harry Potter?!!!!!! » « YEEEEEEES!!! ») donc ils ne vont pas vous fermer la porte au nez parce que vous n’êtes pas là les fameuses 20 minutes en avance. Mais n’abusez pas trop quand même je pense parce qu’il y a vraiment du monde et c’est mieux de s’en tenir à son horaire de visite.

Combien de temps dure la visite ?
Alors là c’est vraiment à votre convenance, les Studios fermant à 22h !La première fois j’y suis restée 5 heures et la deuxième fois… 8 heures (mais avec au moins 30 minutes pour manger donc ça va non?).
-> Pensez à prévoir un temps à la fin pour la boutique, même si vous n’achetez rien c’est là qu’on récupère son souvenir si vous avez pris le billet avec souvenir, et c’est plutôt amusant de voir tous les produits dérivés, ça clôt bien la visite je trouve.
-> Autre élément à savoir, la visite se compose en 1 partie intérieure assez longue, une partie extérieure, et de nouveau une partie intérieure plus courte. Une fois sortie de la première partie pour aller à l’extérieur vous ne pouvez plus revenir en arrière alors vérifiez bien que vous avez vu tout ce que vous vouliez voir avant de sortir.

Surtout profitez-en, profitez-en, profitez-en !

Et si je ne parle pas anglais ?
Pas de problème grâce au super audioguide ! Il y a effectivement des panneaux rédigés en anglais mais ils en disent moins que l’audioguide qui lui peut se programmer en français.
Au tout début de la visite un agent présente la visite et « chauffe » un peu la salle en anglais mais c’est très court. Pareil, il y a un tout petit film qui revient sur le phénomène Harry Potter en anglais mais les images se passent d’explications et vous comprendrez sans problème l’essentiel du contenu.

Comment je m’habille ? 
Il y a un vestiaire à l’entrée dans le hall, gratuit il me semble. Mais je vous conseille de garder une petite laine parce qu’il y a une partie des décors qui se trouve à l’extérieur. En revanche ne venez pas avec un énorme manteau parce qu’entre le monde et l’émotion, vous risquez d’avoir un peu chaud à l’intérieur au bout d’un moment.
Et un conseil, si vous êtes un gros fan et que vous avez un tee-shirt, une casquette, un collier ou quoi que ce soit de l’univers Harry Potter surtout faîtes vous plaisir et mettez-le ! Aux Studios, vous ne croiserez que des fans ou des accompagnateurs bienveillants qui jouent le jeu de l’univers magique dans une ambiance on ne peut plus chaleureuse !

Et si j’ai faim ?
Pas de restriction, vous pouvez venir avec votre nourriture mais il y a aussi sur place, juste avant les décors extérieurs, une cafétéria avec des petites salades et autres sandwich (froids et chauds) tout à fait honorables à un prix abordables (type prix de Capitale mais pas exagérés non plus).
Sinon avant dans rentrée dans les Studios, dans le Hall, il y a une petite cafétéria et un Starbuck.

Et au fait… c’est bien ?
Au risque d’être affreusement clichée je dirais que c’est juste… magique… Particulièrement si, comme moi, Harry Potter vous a vraiment suivi une longue partie de votre enfance/adolescence, les Studios sont un endroit exceptionnel avec une ambiance vraiment géniale.
Il me semble juste impensable que vous soyez déçus sauf si vous vous attendez à rentrer physiquement dans les décors : comme il s’agit « des vrais » et non pas de reproductions comme il s’en construit en ce moment à Los Angeles et Orlando dans les Parcs Harry Potter, vous ne pouvez pas toucher les objets ni rentrer dans les maisons, vous allonger sur les lits des dortoirs… Personnellement je le savais avant de venir et je trouve que c’est normal pour préserver au maximum tous ces décors et cela ne m’a absolument pas déranger, surtout que quelques animations vous permettent quand même de faire quelques pas dans le monde la magie (voler sur un balais ou monter à bord du Poudlard Express par exemple…).
Et vraiment, l’audioguide est super, je pensais être vraiment calée sur le sujet mais on apprend plein de choses sur le fonctionnement du film, le dressage des animaux, la confection des décors, les castings, les anecdotes de tournage… C’est une mine d’informations! Et s’il n’a plus de batterie parce que vous cliquez sur tous les suppléments proposés, pas de problème, demandez à un des agents de vous en apporter un autre !

 

 

 

 

 

 

 

 

ATTENTION VOICI QUELQUES PHOTOS

 

 

 

 

 

 

 

 

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Saga, Tonino Benacquista, Folio

Saga @Avisculturel

Quand j’étais plus jeune mes sœurs s’étaient emballées sur ce roman « Saga ». Je n’avais pour ma part pas été tentée plus que ça et je n’avais pas suivi leur conseil (pourtant avisé!).

Quelques années plus tard j’ai gagné via un jeu organisé par mon université le livre « Malavita » du même auteur, sur un mafieux et sa famille qui tente d’échapper à leur passé. J’avais adoré (et le film aussi d’ailleurs : bande annonce par ici) J’avais également lu de Tonino Benacquista « Homo Erectus » un livre très étrange mais qui m’avait également beaucoup plus.

Il devenait évident que j’accrochais avec cet auteur et je n’avais pourtant pas encore lu son livre le plus connu, Grand Prix des lectrices de ELLE en 1998. Heureusement pendant les vacances, j’ai enfin rattrapé cette faute grave en m’y plongeant avec régal…

 

Ce qu’en dit l’éditeur :

Nous étions quatre : Louis avait usé sa vie à Cinecittà, Jérôme voulait conquérir Hollywood, Mathilde avait écrit en vain trente-deux romans d’amour, et moi, Marco, j’aurais fait n’importe quoi – mais n’importe quoi ! – pour devenir scénariste. Même écrire un feuilleton que personne ne verrait jamais. « Saga », c’était le titre.

 

Ce qu’Elle en dit :

Définitivement, je suis vraiment fan du travail de cet auteur.

Dès le début du livre, le ton est donné : « Faîtes n’importe quoi » ordonne aux quatre héros le producteur de « Saga », juste pressé de remplir les quotas obligatoires de diffusion de réalisations françaises sur sa chaîne pour éviter de se faire remonter les bretelles par les autorités compétentes. Et les quatre scénaristes embauchés pour ce job improbable, tous des cabossés de la vie, des loosers magnifiques, vont s’en donner à cœur joie !
Je pensais qu’on suivrait surtout l’histoire de la vraie « Saga » mais au final l’histoire se concentre vraiment sur le vécu personnel des quatre personnages, comment ils en nourrissent la « Saga » autant qu’elle l’en nourrit. Le mélange constant entre la fiction qu’ils écrivent et la réalité qu’ils vivent donne une drôle d’impression de mise en abîme : et, tout comme les quatre scénaristes ont parfois l’impression de jouer à Dieu en faisant faire ce que bon leur semble aux personnages de la « Saga », en tant que lecteur nous avons également l’impression de les regarder évoluer d’en haut.

Marco, Louis, Jérôme et Mathilde sont tous les quatre très attachants: ils ont tous connus l’échec dans leur vie professionnelle et personnelle et, avec « Saga » tentent le tout pour le tout pour enfin tenter de sortir la tête de l’eau et de retrouver leur estime perdue (mon petit regret tient juste dans le fait que le narrateur, Marco, est des quatre héros celui avec qui j’ai le moins accroché et j’aurais parfois préféré me passer de ses états d’âmes). Malgré les épreuves difficiles que ces héros traversent, le ton du livre est loin d’être morose, bien au contraire : on sourit beaucoup, on rit aussi souvent grâce à au ton délicieusement cynique de Tonino Benacquista.

Le début du livre est donc une suite de péripéties des quatre comparses pour donner vie à la « Saga » et reprendre leur destin en main. Peu à peu, leur partenariat paye et la « Saga » attire de plus en plus de téléspectateurs, jusqu’à devenir un véritable événement de société. Tout se passe donc pour le mieux et ils tiennent enfin leur revanche sur la vie. Mais soudain au milieu du roman, ça part en cacahuète : on ne suit plus les quatre scénaristes dans leur parcours professionnel et personnel et l’écriture de la « Saga », mais on se retrouve seul avec le narrateur Marco en proie aux conséquences inattendues de leur succès : secte fanatique, déchaînement de la presse, management de princes et princesses, intervention de Sylvester Stalone – ou presque, et même rendez-vous avec des agents secrets de l’ONU.

Au début j’étais dubitative, presque déçue du tour que prenait l’histoire et puis j’ai réfléchi et je me suis dis que c’était finalement peut être une mise en application par l’auteur de la liberté qu’il a donné à ses personnages. Après tout, lui aussi a le droit de « faire n’importe quoi », sans être entravé par la morale, la bienséance où les attentes de ses lecteurs.

Bref, plutôt d’être déçue que mes attentes de lectrice ne soient pas comblée, je me réjouis d’avoir été bousculée dans mon confort de lecture. Un excellent moment littéraire que je vous recommande chaudement !

 

Extraits choisis :

La télé, c’était ma baby-sitter, c’était mes mercredis après-midi, c’était la découverte du monde en marche sous mes petits yeux ébahis. La télé, c’était le copain avec qui on ne s’engueule jamais, celui qui aura toujours une bonne idée en tête du matin au soir. la télé c’était une pleine brassée de héros qui m’ont appris l’exaltation. Les premiers émois, mais aussi les premiers dégoûts. J’ai été ce môme qui devient brutalement un adulte le temps de changer de chaîne. (…) J’ai fini par dire qu’au nom de tout ça, si une chance m’était donnée de passer de l’autre côté de la mire, je ferais tout pour ne pas trahir le gosse livré à lui-même devant l’écran bleuté.  (p.45)

Je ne sais plus trop qui a fait quoi dans le n°31. Personne ne l’a vraiment relu, il est parti tel quel, avec nos doutes et nos folies. Nous avons abandonné toute idée de cohérence, la vraisemblance des situations n’est plus qu’un vague souvenir, le n’importe-quoi règne en maître. (…) Je ne suis pas le seul à faire des dérapages absurdes; dans le n°29, Jérôme a fait ressurgir Étienne, un drôle de bonhomme que Louis avait liquidé dans le n°14. En dernière minute, ils ont essayé de bricoler une incompréhensible histoire qui tient à la fois de la métempsycose et de la maladie malade. (…) Jérôme nous a casé une intrigue internationale avec tueur, trust, et prise d’otage, tout ça sans sortir d’un vestibule. Pendant que Mathilde se propose de combler le déficit de la Sécurité sociale en instaurant un impôt sur l’amour (la scène existe, je l’ai lue).
Pour l’instant, la police ne nous a pas encore repérés. (p.139-140)

Face à l’homme de la rue, ma faculté d’anticiper sur les situations ne me sert plus à rien. Les amateurs n’en font qu’à leur tête, ils improvisent et plus rien ne correspond à l’histoire qu’on avait imaginée. Il faudrait pouvoir écrire sa vie, scène après scène, et s’en tenir au script. (p.340)

Je m’imagine passer le reste de ma vie dans ce bar à boire de la vodka et écouter du saxo, seul, hormis la silhouette fantomatique du barman qui disparaît dans une arrière salle. Voilà peut-être le secret du bonheur, ne plus penser qu’à l’instant présent, comme s’il s’agissait d’un extrait de film dont on ne connaît ni le début ni la fin. (p.359)